Willen's Craft épisode 10


Enfin de retour! Je ne vous cache pas que même Blogger m'a manqué, avec ses pages qui plantent… J'ai dû prendre quelques vacances forcées, mais cela m'est égal. J'ai enfin réussi à avancer mon travail, j'ai deux romans en préparations et cette série qui continue son bonhomme de chemin, grâce à ceux qui sont venu me lire et qui ont laissé des retours, via facebook, via les commentaires ou autre. J'ai fait beaucoup de progrès et je vous en remercie. J'ai du nouveau matériel, que je dois mettre en place, une nouvelle série d'articles en préparation et plein de bonnes idées. J'espère qu'elles vous plairont et qu'elles vous inspireront à faire, vous-même, de nouvelles expérimentations. En attendant, je vous laisse, avec ce petit épisode, mes amis.




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* * *


      Le lendemain, comme prévu, le brouillard envahit très tôt le paysage de Willenscraft. De larges nappes fantomatiques avaient fait disparaître les montagnes, conquis les champs, puis les forêts. Si tous le personnel de l'université s'était levé à six heures ce matin là, ils auraient pu voir une femme, enveloppée dans un bon manteau type longrider, s'éloigner à pas feutrés par la porte qui donnait plein sud.
      Elle avait bien fixé sa casquette sur son crâne, le tissu souple mais épais et la longue visière l'aidaient à ne pas être trop affectée par l'humidité collante qui se faisait ressentir en l'absence du soleil. Une heure après son départ, alors que le jour ne perçait pas encore la couverture nuageuse, l'ombre aux yeux rouges en était encore à gravir les collines.
      On n'y voyait pas grand chose, cinq mètres plus loin et son regard se perdait dans ce flou opaque. La lumière n'était qu'une toile grise, striée de noir par les gigantesques troncs d'arbres, de toutes masses et de toutes formes. Les textures, que ce soit les grosses écailles des pins ou l'écorce lisse des chênes, étaient atténuées par la vapeur blanche qui flottait mystérieusement dans l'air. Des milliers de monstres auraient pu se cacher dans les alentours, elle ne l'aurait pas su. Le temps commençait seulement à être à son goût.

      Aïdée marchait patiemment, ses pas dérangeant lourdement les gros graviers qui roulaient dangereusement sous son poids, manquant de la faire déraper à chaque minute. La pente était raide et glissante. À chaque appui, elle sentait doucement les tendons de ses genoux tirer de plus en plus sur ses os et une petite douleur sur le haut de sa rotule commençait à devenir gênante. Les muscles de ses cuisses étaient de plus en plus contractés. L'air humide lui glaçait les poumons et sa gorge se mettait à piquer malgré ses efforts pour contenir sa respiration à une vitesse constante. Son nez était empli d'une odeur de terre humide. Le bout de ses oreilles était gelé alors qu'elle marinait dans son manteau sombre.     

      La température était probablement descendue au dessous de zéro pendant la nuit. Elle émettait régulièrement une large bouffée de fumée blanche par la bouche. En levant les yeux elle admirait au dessus d'elle les énormes rochers couverts de mousse et de lichen, qui se dressaient là comme des géants dont la tête se perdait dans le ciel brumeux.
      C'était un peu comme longer les remparts d'une immense forteresse. Des goutes d'eau glissaient sans bruit le long de leur surface brillante.

      Un instant plus tard, la jeune femme stoppa au bord d'un large précipice, entre deux collines. Elle lutta pour reprendre haleine, l'attention focalisée sur ce gouffre blanc, inondé de brouillard. En observant le paysage titanesque autour d'elle, elle avait d'ores et déjà l'impression de vivre parmi les nuages. On pouvait voir des volutes opalescentes tourbillonner calmement en contrebas, ressemblant à de faibles âmes errantes.
      La silhouette d'un arbre mort qui servait de résidence aux corbeaux aurait put faire office de Prométhée, ligoté à un roc jusqu'à la fin des temps. Les blocs de pierre émergeaient de-ci de-là, hors de la mer de coton, parfois claire, parfois salie, qui réduisait considérablement la visibilité. La lumière commençait à peine à éclaircir cet ambiance voilée, et en basculant sa tête vers les cieux, la peau de son visage sentit vaguement la présence du soleil qui s'avançait. C'était l'aurore, qui luttait pour signaler son arrivée au travers du filtre de la brume. Pas un brin de vent, pas un bruit hormis le faible piaillement de quelques oiseaux. C'était l'instant. L'atmosphère était parfaite.

      Elle emplit une dernière fois ses poumons et écarta les mains, ses paupières à moitié fermées. Dans l'humeur de ses yeux était le vide total. Elle expira, baissa les épaules. Ses talons quittèrent le sol lentement avant que son corps, tout entier, ne soit en lévitation parfaite au coeur des montagnes, ses semelles à quelques centimètres seulement de la terre. L'air devînt plus dense contre les pores de sa peau presque instantanément.
      Ces sensations illusoires elle les connaissait bien, aucun phénomène physique ne la maintenait en l'air. Son corps pourtant vidé une minute plus tôt, regorgeait à présent d'un second souffle, celui du monde dans lequel elle vivait. Elle rouvrit grand les yeux, leva délicatement un pied pour le poser sur l'un de ces pans de vapeur.

      Aïdée Hoffmann marchait sur le brouillard.

      Son âme était vide. Entourée comme dans une toile par tous ces fils de nuage blancs, enfermée dans ce cocon, cette femme avait pris conscience, longtemps auparavant, que toute chute lui était impossible. Suspendue dans le vide sans aucune attache, chaque cellule de son corps était attirée par la matière humide d'une opacité d'albâtre qui envahissait toute la zone. Elle était affiliée, tel que les intellectuels s'amusaient à le dire.
      Une forte émotion l'aspira vers le haut et la distance entre ses chaussures et la roche se creusa de façon vertigineuse. Son ascension vidait ses entrailles et la laissait seule face à ce nœud crée par l'accélération. Des battements perturbaient ses tympans et gonflaient ses veines. Une force faisait remonter son coeur dans sa gorge, mais sans l'horrible oppression que l'on ressentait parfois. Elle se hissa jusqu'au plus haut sommet environnant, où, en un froissement de branche, une mésange prit son envol précipitamment dans le but d'échapper à une ombre flexible qui la chargea la gueule ouverte.

      Tout était encore très obscur, les nuages avaient l'air d'être chargés de cendres. Alors, dans son élan,
elle se mis à courir au delà des rochers, vers la fin du brouillard, vers la fin d'une vision, vers le bleu azur qu'elle savait se trouver loin au dessus d'elle. Chacun de ses pas rebondissait sur la concentration de vapeur d'eau comme sur un trampoline et elle se propulsait vers la lumière qui devenait de plus en plus présente.




La photo ci-dessus est de Websi sur Pixabay.

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